mardi 19 février 2013

Bilan

           Nous voici donc arrivés au terme de notre brève incursion scientifique dans l’univers de Star Wars. En plus de cette œuvre emblématique, de nombreux autres films tels que Spiderman, Total Recall, Armageddon ou Terminator offriraient également d’intéressantes bases de travail. Et, au-delà du cinéma, d’autres supports se prêtent aussi à ce genre d’analyse, comme la bande dessinée, l’art en général ou les ouvrages de science-fiction. Dans tous les cas, l’enquête que l’on peut alors mener n’est pas sans rapport avec le travail du chercheur qui construit des modèles fondés sur des hypothèses et des théories déjà validées avant de les confronter aux faits expérimentaux. Il se rapproche même tout à fait du travail de l’astrophysicien qui n’a pratiquement que la lumière à sa disposition pour étudier les astres qu’il observe. Comme le spectateur devant son écran, il voit se jouer devant lui une réalité hors d’atteinte et sur laquelle il s’interroge. De plus, l’astrophysicien fait l’hypothèse implicite que la réalité qu’il observe obéit aux mêmes lois que le monde terrestre, ce qui ne va pas de soi. Il s’agit là de l’héritage de Galilée qui, contredisant vingt siècles de physique aristotélicienne, fut le premier à affirmer l’identité des lois du Ciel et de la Terre, posant ainsi les fondements de l’étude de l’Univers par l’étude des lois terrestres.


           Mais si l’Univers de Star Wars obéit aux mêmes lois que le nôtre, que nous manque-t-il pour égaler les exploits technologiques auxquels on assiste dans cette saga? Au-delà des difficultés techniques propres à la réalisation d’un instrument fonctionnel, que ce soit une voiture, un sabre laser ou un vaisseau spatial, la différence se situe surtout dans la capacité à maîtriser une grande quantité d’énergie. En physique, l’énergie est le moyen d’agir sur les choses et de les transformer. L’évolution technique de l’espèce humaine est étroitement liée à sa maîtrise de diverses formes d’énergie. La découverte du feu, il y a environ 400 000 ans, marqua le début de cette évolution qui aboutit, vers le milieu du XXème siècle, à la maîtrise de l’énergie nucléaire. La consommation énergétique humaine, et donc sa production, augmente d’environ 1,5% par an depuis les années 1960 et les spécialistes estiment qu’elle a été multipliée par au moins 100 entre le début de la révolution industrielle et aujourd’hui. Multiplier par 100 ou 1 000 la production actuelle d’énergie donnerait probablement à l’humanité la possibilité de partir vers les étoiles, ou tout au moins de coloniser le système solaire. Mais, au vu des difficultés énergétiques annoncées avec la disparition inéluctable des combustibles fossiles, ce n’est certainement pas pour demain…

           En 1964, le physicien russe Nikolai Kardashev a tenté de classer les civilisations avancées en trois catégories, de type I à III selon l’ordre croissant de leur niveau de maîtrise d’énergie. Roland Lehoucq l’avait brièvement mentionné dans l’article sur la Force. Dans une civilisation de type I, cette maîtrise est d’ampleur planétaire. Une telle civilisation contrôle la plupart des formes d’énergie, comme les énergies fossiles, fission et fusion nucléaire, biomasse, énergies hydroélectrique, marémotrice, géothermique, éolienne, solaire, etc. et en plus les utilise à très grande échelle. Sa production totale d’énergie est de plusieurs milliers à plusieurs millions de fois supérieure à la nôtre. Cela lui donne la capacité de contrôler le climat, d’agir volontairement sur l’ensemble de la biosphère ou de modifier l’activité tectonique. Notre production actuelle d’énergie en est loin, ce qui nous classe dans une civilisation de type 0, même si l’humanité commence à rivaliser avec la nature au point de modifier profondément, mais de façon plutôt désorganisée, la biosphère terrestre. Il est vraisemblable qu’après plusieurs milliers d’années d’évolution, une civilisation de type I aura totalement épuisé l’énergie de sa planète et devra puiser ses ressources directement dans son étoile, seule source importante et durable dans son coin de galaxie. Une civilisation capable de capter l’essentiel de l’énergie de son étoile accède au deuxième rang du classement de Kardashev et produit des millions de fois plus d’énergie qu’une civilisation de type I. Pour atteindre ce but, le physicien américain Freeman Dyson a proposé d’utiliser la matière d’une grosse planète, comme Jupiter par exemple, pour construire une colossale sphère autour de l’étoile afin d’en capter la lumière. Une partie de la surface interne de ladite sphère, si elle est mise en rotation, pourrait d’ailleurs être utilisée comme habitat par une innombrable population. C’est d’ailleurs sur un artefact de ce genre, nommé Omale, que l’auteur de science-fiction Laurent Genefort situe une série d’aventures. A ce stade, l’activité de cette civilisation devient visible depuis l’espace, car la surface externe de la sphère de Dyson doit émettre un peu de rayonnement infrarouge. Dyson a même proposé aux astronomes de chercher spécifiquement les émissions infrarouges plutôt que radio pour identifier ces civilisations de type II. Disposant d’une gigantesque quantité d’énergie, une civilisation de ce type a bien sûr complètement colonisé son système solaire et entrepris le voyage interstellaire. La seule menace qui pourrait sérieusement l’inquiéter serait l’explosion soudaine d’une supernova proche, qui pourrait dévaster son système solaire.

           Au bout de quelques milliards d’années, l’énergie d’une étoile ordinaire est épuisée. Cela laisse amplement le temps d’entreprendre la colonisation de la galaxie et d’accéder au troisième rang de la classification de Kardashev. Mais, avant d’y parvenir, une civilisation de type II pourrait gagner du temps en rajeunissant son étoile! Dans une étoile semblable au soleil, les problèmes commencent quand l’hydrogène vient à manquer en son centre. Il en reste pourtant encore des quantités considérables, puisqu’à ce moment l’étoile n’a encore brûlé que les 10% les plus internes de ses réserves totales. Pour raviver la flamme intérieure, on pourrait donc injecter du combustible frais depuis la périphérie vers le centre en « remuant » l’intérieur de l’étoile. Pour obtenir cet effet, il « suffirait », à l’aide de puissants lasers, d’injecter de grandes quantités d’énergie à l’intérieur de l’étoile pour la chauffer et y induire de vastes mouvements de convection. Évidemment, l’énergie nécessaire à un tel projet est colossale et l’injection doit être brève, sous peine de ne pas obtenir l’effet espérer. Il faut donc disposer d’une autre source que le soleil lui-même, dont le débit d’énergie est trop lent, et se résoudre à faire fusionner de façon explosive une bonne partie de la masse d’une planète géante comme Jupiter… Si toutefois on parvient à faire fusionner encore 10 ou 20% de la masse du soleil, sa vie serait prolongée de dix à vingt milliards d’année, ce qui donnerait vraiment le temps pour s’installer ailleurs!

           Quant à la civilisation de type III, avec sa maîtrise de l’énergie de plusieurs millions d’étoiles pour alimenter sa consommation, aucune catastrophe imaginable n’est capable de la détruire.

           Combien de temps faut-il pour atteindre une civilisation de type II ou de type III? La réponse à cette question est évidemment difficile à donner. Mais constatant qu’une croissance annuelle de notre consommation d’énergie de 1% durant trois mille deux cents ans suffit à atteindre la puissance émise par le soleil, il se pourrait bien que cette réponse soit : moins longtemps que prévu! Un obstacle majeur à la naissance d’une civilisation de type III se dresse néanmoins, sous la forme d’une loi intangible de la physique : la vitesse de la lumière dans le vide est une limite absolue, qui impose des difficultés considérables concernant les voyages et les communications interstellaires. La gestion d’un empire galactique devient alors très problématique… Dyson estime que cela pourrait retarder la transition vers le niveau III de quelques millions d’années. Les protagonistes de Star Wars font certainement partie d’une civilisation de type II en transition vers le type III, comme l’indique, par exemple, l’énergie dont dispose L’Etoile de la Mort.

           La maîtrise d’une telle quantité d’énergie confère des pouvoirs qui, pour nous, semblent presque divins. Atteindrons-nous donc un jour ce stade? Nous ne le saurons jamais, mais nous pouvons toujours l'espérer pour les générations futures.

           Mais Star Wars n 'est pas avancé seulement dans des domaines physiques et technologiques. La géologie et la biologie aussi nous dépassent. Mais grâce à nos connaissances, nous pouvons expliquer certains phénomènes.

          Le Wookie est une espèce jamais observée à l'heure actuelle. Nous sommes toujours dans l'impossibilité de trouver la vie sur d'autres planètes malgré tous les satellites envoyés dans ce but tels que Expose ou Synchroton Soleil. Les Wookies, d'après nos connaissances en sciences, ont pourtant toutes les qualités pour exister dans un monde tel que le nôtre. Ils pourraient parfaitement s'adapter dans la fôret amazonienne par exemple. Cet animal crée par l'imagination débordante de George Lucas possède même une période gestiation qui semble correcte. Tous les moindres détails ont été crées pour que le public croit fermement en ce personnage.

          Du sable de Tatooine jusqu'au karst d'Utapau, les films Star Wars ont été historiquement attentifs aux variations géologiques observées dans chaque film. Dans le space opera de George Lucas qui se passe "Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine", nous avons remarqué la présence dont certaines possédant des corps exclusivement en fusion et volcanique. La planète Mustafar, qui n'est pas très différente de corps au sein même de notre propre système solaire comme Io, une des lunes de Jupiter, est un première exemple. Un extrait d'une récente éruption volcanique de mont Edna a été intégré dans plus d'une scène des fameuses scène sur Mustafar de l'épisode III, La Revanche des Sith. Le monde de glace mythique Hoth, composé d'océans glacés,  de l'Empire Contre-Attaque est aussi comparable a une des lunes de Jupiter, Europa. Pour le public qui a grandi avec le monde de Star Wars, c'est difficile de ne pas avoir réfléchi au moins une fois à l'une des magnifiques et surprenantes structures qui existent uniquement dans cette galaxie lointaine, très lointaine. Des structures comme les flèches, parties pointues d'une construction surmontant sa partie globale, de Genosis nous incite à nous poser des questions sur le processus naturel mis en place pour créer de pareilles structures. Sont-elles des vestiges de gigantesques cavernes qui ont été érodées au fil des millénaires laissant derrières elles des stalagmites?

          Quelles structures existant sur Terre ont été utilisées comme inspiration pour les décors de ce film? Des comparaisons scientifiques entre ces fictions et notre monde ont été faites dans des livres tels que The Science of Star Wars de Jeanne Cavelos (1999) mais aussi dans des expositions comme celles au Boston Museum of Science : Star Wars : Where Science Meets Imagination et Star Wars L'expo à la Cité de la Science. Cela autorise les visiteurs d'explorer les sciences modernes et de les voir associées à des films cultes. Par exemple, l'exposition au Boston Museum of Science se concentre sur des thèmes tels que l'hovercraft, les vaisseaux spatiaux et la robotique. Cependant, des petits détails sont portés sur la géologie et la biologie qui font aussi la renommé de Star Wars comme la vie du Wookie.

          Pour conclure, du Wookie à la volcanique planète de Mustafar en passant par le double système solaire de Tatooine, la saga Star Wars offre de nombreuses possibilités pour explorer plus en détails les sciences de la galaxie pour son propre plaisir.